Le Cane Corso, avec son allure noble et puissante, incarne à la fois la force, l’élégance et la loyauté. Chien de garde par excellence, il séduit par sa stature imposante, son regard intense et son attachement profond à sa famille. Longtemps, l’image du Cane Corso a été associée à certaines pratiques traditionnelles, dont la coupe d’oreilles, qui conférait au chien une expression plus altière, plus « martiale », censée refléter son rôle de protecteur.
Mais derrière cet aspect visuel se cache un sujet bien plus complexe, mêlant tradition, esthétique, fonctionnalité, législation et éthique. Aujourd’hui, alors que les mentalités évoluent et que la notion de bien-être animal prend une place centrale dans les décisions liées à l’élevage, la pratique de l’otectomie soulève de nombreuses interrogations.
Cet article a pour objectif de faire le point, de manière claire et équilibrée, sur la coupe d’oreilles chez le Cane Corso : pourquoi elle a été pratiquée, ce qu’en disent les lois, les vétérinaires, les éleveurs, et ce que cela implique pour les futurs propriétaires.
La pratique de la coupe d’oreilles chez le Cane Corso trouve ses racines dans l’histoire ancienne de la race, qui remonte à l’époque romaine. Descendant direct du Canis Pugnax, un molosse utilisé comme chien de guerre, le Cane Corso a toujours été élevé pour des fonctions utilitaires : chien de garde, de défense, de troupeau, et parfois de chasse au gros gibier.
À cette époque, la coupe d’oreilles avait une finalité avant tout fonctionnelle. En retirant les parties souples et pendantes des oreilles, on limitait les risques de blessures durant les combats ou lors des confrontations avec des animaux sauvages. Pour les chiens de guerre, cela permettait aussi d’éviter que l’adversaire ou un autre chien ne saisisse l’oreille en combat rapproché. Chez les chiens de chasse, notamment utilisés contre les sangliers ou les loups, cela évitait les déchirures douloureuses.
Au fil du temps, cette pratique s’est perpétuée comme un code esthétique et culturel, en particulier en Italie, berceau du Cane Corso. L’image du chien aux oreilles coupées est devenue emblématique de la race, souvent renforcée par des représentations artistiques ou par les préférences des éleveurs et acheteurs.
Cependant, il est important de noter que cette tradition n’était pas propre au Cane Corso : d’autres races rustiques ou molossoïdes (comme le Dobermann, le Boxer ou le Dogue Allemand) ont également été concernées par la coupe d’oreilles à des fins similaires.
Aujourd’hui, bien que les raisons historiques aient perdu leur pertinence dans le cadre d’un chien de compagnie, cet héritage continue d’influencer les débats et les perceptions autour de l’esthétique du Cane Corso.
Chez le Cane Corso, la coupe d’oreilles a longtemps été perçue comme un critère valorisant l’apparence du chien. Des oreilles courtes, dressées et triangulaires donnent au chien une expression plus sévère et plus altière, accentuant son regard perçant et sa silhouette puissante. Beaucoup d’amateurs de la race associent cette apparence à l’identité visuelle traditionnelle du Cane Corso, souvent représentée dans les médias et les photos d’élevage.
Ce style « classique » a pendant longtemps été soutenu par certains standards de race, notamment dans les pays où la coupe restait autorisée. Cependant, l’évolution des mentalités et l’harmonisation des standards ont progressivement modifié cette vision.
Aujourd’hui, le standard officiel de la Fédération Cynologique Internationale (FCI), mis à jour en 2016, précise clairement que :
« Les oreilles doivent être de taille moyenne, en forme de triangle isocèle, tombantes, attachées haut. La coupe est interdite. »
Cela signifie que, dans les expositions canines officielles FCI, les Cane Corso aux oreilles coupées peuvent être refusés ou pénalisés, sauf dans les pays où la coupe reste autorisée par la loi. Toutefois, certains clubs de race nationaux ou circuits non affiliés à la FCI peuvent encore admettre les chiens avec oreilles coupées en concours.
Dans la pratique, cela crée parfois une double esthétique dans la race :
Cette dualité soulève des réflexions sur l’importance de l’esthétique dans le choix d’un chien, et pousse de plus en plus d’éleveurs à promouvoir un Cane Corso au naturel, sans altération de son apparence.
Parmi les arguments encore avancés en faveur de la coupe d’oreilles chez le Cane Corso, on retrouve des justifications dites fonctionnelles ou sanitaires, qui méritent d’être analysées de manière objective.
- Prévention des blessures
Certains affirment que les oreilles tombantes sont plus susceptibles de subir des accrochages, morsures ou blessures, surtout chez les chiens vivant en extérieur, utilisés pour la protection ou gardant de vastes terrains. En supprimant l’extrémité molle et pendante, la coupe réduirait le risque de déchirures accidentelles ou d’infections liées à des plaies.
- Meilleure hygiène
Un autre argument fréquemment entendu est que les oreilles coupées permettraient une meilleure aération du conduit auditif, limitant l’humidité et donc le développement de bactéries ou levures, responsables d’otites. Cette idée est toutefois controversée.
- Limitation du risque d’otites
Certaines personnes estiment que les chiens aux oreilles tombantes seraient plus sujets aux otites chroniques, ce qui n’est pas systématiquement vrai. De nombreuses études vétérinaires modernes montrent que la forme des oreilles n’est pas le principal facteur de développement des otites, mais plutôt :
Ainsi, ces arguments « sanitaires » sont discutables sur le plan médical, et beaucoup de vétérinaires considèrent aujourd’hui que les bienfaits supposés de la coupe ne justifient pas une chirurgie purement esthétique.
En résumé, si les raisons fonctionnelles avaient un sens dans un contexte ancien de travail intensif ou de combats, elles ne s’appliquent plus vraiment au Cane Corso moderne, principalement chien de compagnie ou de garde familiale.
La coupe d’oreilles, bien qu’ancienne, est aujourd’hui au cœur de nombreuses restrictions légales dans de nombreux pays, notamment en Europe, où le bien-être animal est de plus en plus pris en compte dans les politiques publiques.
- En France
Depuis la loi du 6 janvier 1999, la coupe d’oreilles à visée esthétique est interdite en France. Seules les otectomies réalisées pour des raisons médicales justifiées par un vétérinaire sont autorisées. Toute personne (éleveur, vétérinaire ou particulier) procédant à cette intervention à des fins esthétiques s’expose à des sanctions pénales, allant jusqu’à 30 000 € d’amende et deux ans d’emprisonnement.
De plus, les chiens importés avec les oreilles coupées ne peuvent participer à des expositions canines officielles en France, sauf s’ils sont nés dans un pays où cette pratique est encore légale.
- En Europe
La plupart des pays de l’Union européenne interdisent également la coupe d’oreilles, notamment :
Certains pays, comme la Serbie ou la Russie, autorisent encore la coupe, ce qui explique que certains éleveurs continuent d’importer des chiens depuis ces régions.
- Au niveau des expositions
La Fédération Cynologique Internationale (FCI) interdit la participation aux expositions de chiens aux oreilles coupées s’ils sont nés dans un pays où cette pratique est illégale. Cela crée une inégalité de traitement entre les éleveurs selon leur localisation géographique, et rend plus difficile l’exportation ou la présentation de chiens coupés issus de pays non interdits.
Le cadre légal est donc clairement défavorable à la coupe d’oreilles, et tend à devenir de plus en plus strict. Pour les éleveurs, cela signifie également qu’ils doivent adapter leurs pratiques pour rester conformes à la réglementation et répondre aux attentes croissantes du public en matière de respect du bien-être animal.
Au-delà des aspects historiques, esthétiques ou réglementaires, la question de la coupe d’oreilles chez le Cane Corso soulève des enjeux éthiques majeurs, de plus en plus présents dans les débats autour de l’élevage canin. Le bien-être animal, désormais au cœur des préoccupations sociétales, impose une réflexion profonde sur l’intérêt réel de cette pratique pour le chien lui-même.
- Une intervention douloureuse et non nécessaire
La coupe d’oreilles est une intervention chirurgicale invasive, souvent pratiquée sur des chiots âgés de 6 à 12 semaines. Même si elle est réalisée sous anesthésie générale, elle engendre :
Il s’agit d’une opération non justifiée médicalement dans la très grande majorité des cas. C’est pourquoi de nombreuses organisations vétérinaires, dont la World Small Animal Veterinary Association (WSAVA), s’y opposent fermement.
- Une atteinte à l’intégrité corporelle
Sur le plan éthique, couper les oreilles d’un chiot simplement pour respecter une apparence traditionnelle est perçu comme une atteinte à son intégrité corporelle. Le chien n’en tire aucun bénéfice, ce qui soulève la question du rapport entre esthétique et respect de l’animal.
De plus en plus de professionnels et de particuliers estiment qu’il n’est pas acceptable de modifier un animal pour satisfaire à un idéal visuel, surtout si cela implique douleur ou souffrance, même temporaire.
- Évolution des mentalités
La sensibilité du public au bien-être animal a beaucoup évolué ces dernières années. Les propriétaires recherchent désormais des chiens bien dans leur peau, équilibrés et en bonne santé, sans nécessité de modifications physiques artificielles. Cela a conduit à une valorisation croissante des Cane Corso « au naturel », avec leurs oreilles tombantes, pleines de caractère et d’expression.
De nombreux éleveurs engagés dans une démarche éthique choisissent désormais de laisser les chiots intacts, en expliquant leur choix aux futurs adoptants et en les sensibilisant à cette évolution des pratiques.
Face à toutes les dimensions entourant la coupe d’oreilles – histoire, esthétique, loi, bien-être – le choix revient en dernier lieu à l’éleveur et au futur propriétaire du Cane Corso. Ce choix ne doit pas être pris à la légère, car il engage la responsabilité de chacun vis-à-vis de l’animal.
- Le rôle de l’éleveur : transmettre des valeurs
L’éleveur joue un rôle central. En tant que professionnel et passionné, il est à la fois gardien de la race et éducateur du public. Il doit être capable d’expliquer ses choix, qu’il pratique ou non la coupe, et de les justifier en accord avec :
Un éleveur responsable prendra soin de guider ses clients vers une réflexion approfondie, loin des simples considérations esthétiques, et de leur faire découvrir toute la richesse du Cane Corso au naturel.
- Le choix du propriétaire : une question de conscience
Pour un futur maître, choisir un chiot Cane Corso aux oreilles naturelles ou coupées dépend aussi de ses valeurs. Il est essentiel de se poser les bonnes questions :
Certains peuvent ressentir une préférence visuelle pour les oreilles droites, surtout s’ils ont connu la race ainsi. Mais en s’informant sur les implications de la coupe, beaucoup de propriétaires changent de perspective et découvrent le charme unique du Cane Corso avec ses grandes oreilles tombantes, pleines de douceur.
Conclusion
La coupe d’oreilles chez le Cane Corso est une pratique ancienne, enracinée dans l’histoire de la race et dans certaines traditions culturelles. Jadis motivée par des raisons fonctionnelles, elle est aujourd’hui largement remise en question, tant sur le plan légal qu’éthique.
Si l’esthétique du chien reste un critère de choix pour certains, il est essentiel de replacer cette décision dans un contexte de responsabilité et de respect de l’animal. Les connaissances actuelles sur la douleur, le stress, et l’impact de telles interventions sur le chiot obligent à reconsidérer la pertinence d’une opération purement esthétique.
Le Cane Corso, majestueux et fidèle, n’a nul besoin d’oreilles coupées pour imposer le respect ou inspirer confiance. Au contraire, ses oreilles naturelles participent à l’expression de ses émotions, à sa personnalité, et témoignent de l’évolution d’une race désormais tournée vers le bien-être et l’équilibre.
En tant qu’éleveurs, passionnés ou futurs propriétaires, il nous appartient de faire des choix éclairés, guidés non seulement par l’amour de la race, mais aussi par le souci du vivant. Le Cane Corso mérite d’être aimé pour ce qu’il est, dans toute son authenticité.
« En tant qu’éleveur, je constate que les chiens aux oreilles naturelles sont davantage sujets à des problèmes d’otites ou à la présence de champignons type malassezia, surtout dans les environnements humides ou poussiéreux. À l’inverse, les chiens avec les oreilles taillées présentent généralement moins de troubles auriculaires, ce qui montre que la forme de l’oreille a un réel impact fonctionnel sur certains individus.
Cependant, sur un échantillon de plus de 300 clients reçus à l’élevage, moins d’une dizaine expriment une préférence pour un Cane Corso aux oreilles taillées. La grande majorité est soit favorable à l’aspect naturel, soit indifférente, mais souligne souvent que le chien semble moins agressif et plus doux visuellement avec les oreilles entières.
Ce constat reflète l’évolution des attentes des adoptants : ils sont de plus en plus nombreux à privilégier l’authenticité, le bien-être animal et une allure moins intimidante, tout en restant fidèle à la prestance du Cane Corso. »
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